Les jeunes se désintéressent des questions sociétales
Les jeunes n’auraient pas la fibre citoyenne. Ils expriment pourtant leur intérêt et leur empathie envers les autres. Ils s’activent, se mobilisent spontanément pour lutter contre des situations qui les indignent. Les témoignages recueillis mettent en lumière des actions de solidarités telles que donner de l’argent, prêter leur voiture ou leur téléphone, organiser des collectes de fonds, préparer des repas pour les sans-abris, faire tourner une pétition, engager la discussion envers une personne visiblement seule … Les jeunes font preuve d’empathie, d’altruisme et de solidarité.
Cependant, les jeunes se sentent seuls, peu soutenus par les pouvoirs publics. Ils sont parfois aidés par une association locale, un centre social pour concrétiser leur envie d’agir, mais cela ne suffit pas toujours à faire face aux obstacles posés par les administrations.
Les jeunes sont impatients et défient l’autorité
Combien de clubs de scrabble se sont-ils vus opposés par les municipalités un refus quant à leur demande de prêt de salle ? C’est pourtant le lot quotidien de jeunes qui souhaitent bénéficier d’un endroit où se réunir, un endroit où ils seraient à l’abri des intempéries et des descentes de police. Parmi les raisons justifiant les refus qu’ils essuient : ils ne sont pas organisés en association ; ils sont bruyants jusqu’à pas d’heure ; ils détruisent le matériel …
Pour faire face à ce « barrage administratif », certains jeunes trouvent des parades : ils fabriquent ou restaurent leur propre espace de rencontre sans autorisation officielle ; ils s’approprient un local inoccupé que la mairie refusait de leur mettre à disposition. Les jeunes souhaitent que les choses bougent, que leurs questions trouvent une réponse rapidement. Mais face à l’opacité, le manque de réactivité des administrations et les réponses insatisfaisantes qui leur sont faites (« constituez d’abord une association, on parlera ensuite ») sont pour certains autant de raisons de baisser les bras, voire, pour d’autres, autant de raisons de contourner les règlements, de ne pas attendre les autorisations pour mettre en place leur action.
Les jeunes ne font que tchatcher, ils ne font rien de concret
Les jeunes que nous avons entendus n’aiment pas le « blabla ». Ils sont dans l’action. S’ils sont interpellés par quelqu’un pour régler un problème, ils vont réfléchir à une solution (« ça serait bien si on faisait… ») et mobiliser leurs contacts pour la concrétiser. Le lendemain, ils peuvent intervenir sur tout autre chose. Ce « zapping » permanent reflèterait pour les collectivités une forme d’instabilité peu rassurante.
De fait, les appels à projet semblent décalés par rapport aux logiques et à la temporalité des jeunes. D’autant plus que pour eux, s’engager n’a de sens que si c’est « un kif », que si cela leur donne du plaisir, une satisfaction personnelle. Élaborer un budget prévisionnel, mettre au point des outils de suivi de leur activité, évaluer leur action… autant de tâches rébarbatives et chronophages peu séduisantes qui les éloignent de l’action.
Les jeunes sont des geeks, ils vivent dans un monde virtuel
Les jeunes générations ont le visage rivé sur leurs écrans de smartphone et d’ordinateur. Ils savent utiliser les outils numériques et les mettre au profit de l’action citoyenne. Les jeunes ont des compétences et des réflexes que n’ont pas forcément d’autres générations. Ils peuvent par exemple organiser un appel au don via une cagnotte numérique, lancer un appel à volontaires via Facebook ; envoyer des sms de dernière minute pour trouver une voiture afin d’effectuer une maraude en soirée… Les jeunes utilisent les médias pour faire passer leur message : ils peuvent créer une web radio pour donner la parole à d’autres jeunes, concevoir un site internet pour interpeller l’opinion publique.
Ainsi, les jeunes engagés utilisent les outils numériques pour exprimer leurs idées, communiquer sur leurs projets, interpeller l’opinion publique mais aussi pour mobiliser, obtenir des soutiens financiers ou matériels.
Les jeunes s’engagent donc, mais à leur façon. Ce sont les cadres de l’engagement et du bénévolat qui doivent être repensés / repoussés ; ce sont les outils d’accompagnement des porteurs d’actions qui doivent être renouvelés pour s’adapter aux caractéristiques des jeunes et non l’inverse. Les jeunes le disent : laissons-les vivre leur expérience d’engagement sans formalisme.
Dire que les jeunes s’engagent moins que les autres générations reste à prouver. Nous faisons le constat que cet engagement est parfois là où on ne l’attend pas et qu’il est difficile à voir.